L’INFANTICIDE
1) Définition :
Elle est donnée par l’article 259 du code pénal (CP) algérien :
C’est le meurtre ou l’assassinat d’un enfant nouveau-né
Meurtre = homicide commis volontairement
Assassinat = Meurtre commis avec préméditation
D’après la définition, pour constituer un infanticide, il faut donc 03
éléments :
• Il faut qu’il y’ait un nouveau-né (on définira donc le nouveau-né
d’un point de vue juridique)
• Il faut que ce nouveau-né ait vécu
• Il faut apporter la preuve de la matérialité de l’acte qui a amené
la mort
2) Législation répressive actuelle :
L’infanticide est un crime puni d’une peine de réclusion criminelle de
10 à 20 ans, de même qu’il existe une législation de protection du
nouveau-né :
o Il faut déclarer le nouveau-né à l’office de l’état civil
o IL faut donner les premiers soins au nouveau-né
ll/ Problèmes médico-légaux que posent l’infanticide :
Dans le cas d’infanticide une expertise médico-légale est ordonnée
Le rôle de l’expert difficile et complexe va consister à reconstituer
rétrospectivement l’histoire de la naissance et de la mort du nouveau-
né avec les seules constatations faites sur le corps de celui-ci.
Ces questions seront posées par l’expert :
* Est-ce un nouveau-né ?
* Son âge en semaines ou de mois intra utérin ?
* A-t-il respiré ?
* Combien de temps a-t-il vécu dans la vie extra utérine ?
* Etait-il viable ?
* Quelles sont la ou les causes de la mort ?
* Est-il mort avant ou après l’accouchement ?
* A-t-il reçu des soins ?
* La mort est elle naturelle ou accidentelle ?
* La mort est elle la suite de violence ? dans ce cas, quel est le
genre de la mort ?
* A quelle époque remonte la mort ? Nombre d’heures, jours ou
semaines.
Tel est l’éventail de questions qui peuvent être posées au cour de
l’expertise, mais il est souvent impossible de leur apporter à toutes une
réponse.
lll/ Les réponses du médecin légiste :
A/ Est-ce un nouveau-né :
Le nouveau- né porte des noms différents selon la durée de la vie intra
utérine :
m Du point de vue médical :
Quand il y’a interruption de la grossesse :
- avant 6 mois : c’est un avortement
- après 6 mois : c’est un accouchement prématuré
- à terme : accouchement normal d’un nouveau-né
La néo natalité se termine avec la chute du cordon : 10-12 jours
m Du point de vue juridique :
- avant 6 mois : c’est un foeticide
- après 6 mois : c’est un prématuré et s’il est tué c’est un infanticide
Le terme d’infanticide pourra être employé jusqu’au moment ou
l’enfant est inscrit sur le registre de l’état civil. A partir de ce moment
là, le meurtre de cet enfant qui n’est plus un nouveau-né est un
homicide.
Donc l’enregistrement à l’état civil est important car la peine est
différente selon qu’il s’agisse d’un infanticide ou d’un homicide.
B/Savoir si l’enfant a vécu :
C’est la réponse à la question : a-t-il respiré ?
IL ne peut y avoir un infanticide que si l’acte criminel a été accompli
sur un nouveau-né vivant.
La meilleure preuve de la viabilité extra utérine de l’enfant se trouve
dans le fait qu’il a respiré.
Une telle démonstration est liée aux modifications importantes,
durables et persistantes après la mort que subissent les poumons à la
naissance.
Ces preuves macroscopiques, hydrostatiques, histologiques auxquelles
nous soumettons les poumons sont appelées <<DOCIMASIES
PULMONAIRES>>.
B-1/ Docimasies macroscopiques :
On regarde si le poumon est complètement ou décomplètement ou pas
du tout déplissé.
* Le nouveau-né qui n’a pas respiré :
° Les poumons sont tassés, ne remplissant pas la cage thoracique
° La surface pulmonaire est lisse, uniforme, charnue : il n’y’ a pas eu
respiration
* Le nouveau-né qui a respiré :
° Les poumons remplissent la cage thoracique
° La surface pulmonaire n’est pas lisse, et la couleur n’est pas
homogène et l’aspect est marbré
° Le poumon est recouvert de petites vésicules brillantes régulières,
qui ont les mêmes dimensions et sont régulièrement réparties sur les
poumons qui traduisent la respiration.
Il existe des parties du poumon non recouvertes de ces vésicules, c’est
la partie du poumon qui n’a pas respiré.
* Diagnostic différentiel :
Bulles gazeuses putrides : sont de grosseur inégale, la dimension est
celle d’une tête d’épingle, sont réparties irrégulièrement et siégent
surtout en sous pleurale et au niveau des bases : les poumons sont
putréfiés.
B-2/ Docimasies hydrostatiques :
Cette épreuve est basée sur le fait que la densité des poumons qui ont
respiré est inférieure à celle de l’eau
La densité pulmonaire : - avant la respiration : 1039
- après la respiration : 700
L’épreuve se déroule en 4 temps :
1er temps : on prélève le bloc larynx-trachée-poumons-cœur et on le
plonge dans une bassine d’eau, le tout flotte ;
2éme temps : on plonge les poumons séparés dans l’eau : ceux-ci
surnagent ;
3éme temps : on plonge dans l’eau les petits fragments de poumons
après les avoir pressés pour en chasser le maximum d’air : ceux-ci
flottent ;
4éme temps : on comprime les fragments de poumons sous l’eau : on
voit des bulles d’air monter à la surface pour former une écume.
* Diagnostic différentiel :
La plus fréquente et est à la cause d’erreur en est la putrification : car
les poumons putréfiés flottent mais la compression du tissus
pulmonaire suffit à chasser les bulles putrides et le poumon putréfié ne
flotte plus.
B-3/ Docimasies histologiques :
C’est l’examen histologique du poumon qui fournit la preuve de la
respiration
* Si le nouveau-né n’a pas respiré :
- Les bronches sont en BOURSSES à QUETES, elles sont plissées et
l’épithélium est hautement cylindrique.
- Les alvéoles et le parenchyme sont denses.
* Si le nouveau-né a respiré :
° Les bronches sont circulaires, arrondies
° L’épithélium est aplatit
° Les alvéoles sont dilatées d’une manière uniforme et régulière
SI CES 3 DOCIMASIES SONT POSITIVES, LE NOUVEAU NÈ A
VECU.
B-4/ Autres docimasies :
Qui sont pratiquement non utilisé : docimasies digestives et les
docimasies de l’oreille moyenne.
AU TOTAL :
m Il est établi que le nouveau-né a vécu
m Il est établi que l’enfant n’a pas vécu
m Il n’est pas établi que l’enfant a vécu
REMARQUE :
- Un enfant qui a respiré a sûrement vécu mais un enfant qui n’a pas
respiré peut avoir vécu (état de mort apparente, hémorragies méningées, malformations respiratoires, L’enfant qui a poussé un cri à la naissance,
de même que celui qui a uriné)
- Un enfant né macéré est mort in utéro.
La mort in utéro :
° Les 02 premiers mois : il peut se désagréger, se dissoudre.
° Du 03eme au 05éme mois : momification
° A partir du 05éme mois : macération qui se distingue de la
putrification par : l’absence de gaz, d’odeur.
C/ Rechercher la cause de la mort :
Le fœtus peut succomber naturellement avant, pendant ou après
l’accouchement.
m Avant la naissance :
° Mort naturelle : ce sont les causes habituelles pathologiques de mort
in utéro :
- Incompatibilité foeto-maternelle
- Malformations congénitales
- Hydramnios
° Mort criminelle :
- Est exceptionnelle et difficile, c’est le problème de
l’accouchement criminel.
m Pendant le travail :
° Mort naturelle : les causes naturelles capables de provoquer la mort
de l’enfant sont d’ordre traumatiques (compression céphalique),
asphyxie ou hémorragies. Les causes sont :
- Anomalies du cordon : procidence, compression,
circulaire ou brièveté du cordon
- Hypertonie utérine
- Anoxie
- Eclampsie
- Souffrances fœtales
° Mort criminelle :
Est exceptionnelle, se voit dans :
- les accouchements clandestins avec auto délivrance
- Infanticides vulvaires par strangulation ou décapitation.
m Après la naissance :
C’est là où intervienne généralement le médecin légiste
° Mort naturelle
Ce n’est pas un fait rare, la mortalité néonatale est statistiquement très
importante chez nous :
- Hémorragies cérébro-méningées
- grandes prématurités
- Septicémies
- Toutes les pathologies néonatales
° Mort accidentelle : est généralement due à :
- L’accouchement précipité par surprise, est un accident
possible, plus fréquent chez la multipare, il surprend la femme
debout, assise ou accroupie, se fait rapidement, il n’y’ a pas de
bosses séro-sanguine, la déchirure périnéale est presque
constante chez la mère, il peut survenir aussi aux toilettes(W.C)
la mère croyant satisfaire un besoin impérieux. Il y’a rupture du
cordon à une de ses extrémités.
- Hémorragies due au cordon mal lié : la mort survient
lentement, l’enfant est exsangue.
° Mort criminelle :
Prouver l’infanticide c’est rechercher et découvrir les moyens
criminels qui ont été mis en œuvre pour provoquer la mort du
nouveau-né.02 ordres de faits peuvent être trouvés :
* Infanticide résultant de violence mortelle : classées en :
- Asphyxies mécaniques : suffocation, strangulation criminelle à la
main ou au lien (à distinguer de la strangulation naturelle produite
par une circulaire du cordon)
- Violences crâniennes : projection de l’enfant contre le mur ou contre le sol.
Dans ce cas, les erreurs d’interprétation consistent à attribuer une
origine criminelle à des lésions qui se rencontrent chez les nouveaux
nés morts naturellement, lésions que le médecin doit reconnaître et
identifier : bosse séro-sanguine, hématome sous périoste de la voûte
crânienne, hémorragies méningées après forceps)
* Infanticide par omission des soins indispensables à la survie
du nouveau-né qui est la cause de la mort la plus fréquente (ligature du
cordon ombilical, protection contre le froid, privation de l’alimentation)
Dans ce cas, seule l’autorité judiciaire est habilitée à conclure à propos
de l’intention criminelle de l’infanticide par omission.
D/ Détermination de l’age de la grossesse et de la viabilité du
nouveau-né :
Aucun caractère ne peut apporter la preuve d’une naissance à terme,
Seule la réunion de plusieurs signes de maturité permet de supposer
que l’enfant est né à terme (L’aspect extérieur du corps, le développement corporel : poids, taille, les points d’ossification,…)
La viabilité légale est fixée au 180eme jour de la grossesse, un fœtus qui
a moins de 180 jours sera l’objet d’un foeticide et non d’un
infanticide.
La non viabilité d’un nouveau-né constitue un cas particulier quant à
l’appréciation de la gravité de l’acte commis par la mère.
E/ Combien de temps l’enfant a-t-il vécu après sa naissance :
La réunion de différentes constatations constitue une indication sur la
durée de vie après la naissance permettant une réponse qu’il faut
émettre en faisant preuve d’une certaine prudence.
F/ Examen de la mère coupable :
La mission d’expertise comportera les questions suivantes à son sujet :
* Y’a-t-il eu un accouchement récent ?
* L’accouchement a-t-il été eutocique ou dystocique ?
* Cette femme présente t’elle des anomalies mentales ?
CONCLUSION :
L’infanticide reste un problème grave à caractère socio culturel,
nécessitant une appréhension globale de toutes les données
de la question dans le cadre répressif mais surtout dans le cadre préventif.