medecinelegale.wordpress.com
   
  medecinelegale.wordpress.com
  example d'enquete Entomologique.1.
 

Présentation de la méthode  entomologique.

 

 

L'entomologie médico-légale ou forensique consiste en l'étude des liens entre la présence d'insectes et l'état de décomposition d'un cadavre humain. Cette démarche forensique trouve des applications importantes en  matière d'enquête judiciaire, l'aspect essentiel étant la détermination  du  temps  écoulé  depuis  le  décès  ou intervalle post-mortem (IPM).

 

 

s que la rigidité  cadavérique d'un  corps humain disparaît, les  constatations thanatologiques1  et l'état de  l’altération du cadavre ne permettent plus de fixer avec certitude l'intervalle post-mortem: la variabilité de la  décomposition est la règle.

Les facteurs déterminants sont : A/ le site de découverte

 

B/      l'accessibilité des insectes aux substrats qui  influencent favorablement la marche  et  la  vitesse  de  la  décomposition.  Comme  ces  insectes  réagissent directement et  même  spécifiquement aux  conditions  climatiques, surtout  aux températures ambiantes, ils deviennent des indicateurs potentiels dans l'estimation de l'intervalle post-mortem.

 

 

C/      les températures

 

Les insectes que l'on trouve dans l'environnement  des  cadavres forment  une catégorie spéciale. Ils ont des organes chimio-récepteurs extrêmement développés et sont aptes à détecter des dépouilles à des centaines de mètres de distance.

 

 

L'entomologie forensique est fondée sur l'ordre d’arrivée sur le substrat nourricier (cadavre)  des   différentes   espèces  d'insectes,  et        sur  les     différences  de développement des espèces.

 

A/ Corsier,  “Manoir  de Ban”, description  du site de découverte

 

 

Devant le "Manoir de Ban", en direction du sud-est, se trouvent un terrain ouvert parsemé de bouquets  d’arbres puis une forêt en terrasses  jusqu'au  lit  de  La Veveyse.  Annexe 1

 

 

Sur la deuxième terrasse, nous découvrons sur le sol légèrement en pente, une tête humaine dont la peau est  momifiée. Devant cette tête et en direction du  mur jouxtant la troisième terrasse, le sol est "brûlé" par les  liquides sanieux. Nous récoltons essentiellement des Coléoptères et quelques Diptères. A la base de ce mur, dans la végétation (jeunes hêtres), nous trouvons le reste du cadavre, habillé et très altéré par la putréfaction et le travail des insectes nécrophages.

 

 

A quelques mètres de ce site, en direction du lac Léman, nous trouvons un corps pendu à la branche d’un  arbre.  Les pieds pendent dans le vide, le long du mur séparant la deuxième terrasse de la troisième. Le cadavre, très putréfié, est habillé. Dans les cheveux et sur les habits, on observe beaucoup d’exuvies et quelques œufs de Diptères. Nous capturons plusieurs Coléoptères et quelques Diptères.

 

 

B/ Découvertes entomologiques

 

Sur les lieux

 

Vendredi 26.05.2000, pendant la levée de corps, j'ai capturé quelques mouches nécrophages et des Coléoptères sur les deux cadavres. La  température ambiante était de 19°C environ.

 

 

Samedi  27.05.2000,  s  1330,  une  recherche  systématique     de    matériel entomologique sur le site de la découverte des cadavres a été entreprise. J'ai trouvé quelques pupes pleines,  quelques prépupes, des larves et des Coléoptères. Ce matériel a été récolté, mis en élevage et en collection.

 

 

A l’institut universitaire de médecine légale à Lausanne (IUML)

 

Samedi matin, j’ai examiné les cadavres à l’IUML. J'ai trouvé, tant sur la femme que sur l'homme, des pupes pleines et des larves, ainsi que des Coléoptères. Ce matériel a été récolté, mis en élevage et en collection.


 

 

 

 

Inventaire et identification  du matériel  entomologique  prélevé :

 

 

Des pupes de Diptères:

 

 

Calliphora vomitoria,(Linnaeus, 1758)

Calliphora vicina, Robineau-Desvoidy, 1830

Protophormia terranovae, (Robineau-Desvoidy, 1830)

Lucilia caesar, (Linnaeus, 1758)

Hydrotaea leucostoma, (Wiedemann, 1817)

ces pupes ont été mises en élevage. Des Coléoptères et leurs larves: Staphylin sp

Necrophorus vespilloides, Herbst

Necrophorus humator, Olivier, ainsi que des larves

Hister sp, ainsi que des larves Necrobia violacea, (Linnaeus) Necrobia rufipes, (De Geer) Dermestes undulatus, (B) Omosita discodae, Fabricius

 

 

Des Hyménoptères: (parasites de larves de Diptères)

 

 

Spalangia sp (Pteromalidae)

 

 

ces insectes ont été mis en collection.

 

 

Pour connaître la biologie des insectes identifiés, voir  annexe 2.

 

C/ Conditions  météorologiques

 

 

Le Manoir de Ban est situé sur l'arc lémanique à 475 mètres d'altitude. La région, orientée vers le sud, bénéficie d'un climat plutôt chaud par la présence du lac Leman.

 

 

La littérature spécialisée en entomologie forensique conseille de travailler avec la station météorologique la plus  proche du lieu de découverte des cadavres, pour


 

 

 

 

obtenir la température moyenne du site. En Suisse Romande, vu la topographie et les nombreux microclimats qui en résultent, j’ai choisi de prendre les indications de 2 stations météorologiques couvrant la région concernée. Il s’agit de

 

 

Pully,          461 mètres, station automatique orientée vers le sud

 

 

Aigle,          381 mètres, station automatique de plaine à fond plat, située à moins de 30 mètres au-dessus du fond de ladite plaine

 

 

J’ai demandé à l’Institut suisse  de  météorologie de  me  fournir  les  tableaux mensuels de ces 2 stations, pour les mois d'avril, mai et juin 2000.

 

 

Dans les stations automatiques, les températures sont relevées 4 fois par jour,  à

0100, 0700, 1300 et 1900. Chaque station donne entre autres une température moyenne journalière. C’est ce critère que nous allons utiliser pour établir avec le plus d’exactitude possible la température moyenne de l'endroit de découverte.

 

 

Pour obtenir un relevé météorologique du site, nous avons posé s le 27.05.2000, lendemain de la levée des corps, un thermographe à bande continue. Cet appareil est  resté  sur  le  site  26  jours  et  a  permis  de  calculer  une  moyenne  des températures/jour.

 

 

Il faut également tenir compte du climat de la région du site. Dans ce dessein, nous utilisons les niveaux thermiques. Nous avons déterminé que le “Manoir de Ban se trouvait au niveau 16, c’est-à-dire Très chaud à l’étage de la vigne.  Annexe 3

 

Méthode de calcul

 

Dans une première phase, il s’agit de traiter les températures moyennes des stations à disposition, pour avril, mai et juin 2000. Pour réduire la fourchette des écarts de températures, j'ai calculé la température moyenne des deux stations en additionnant les températures moyennes, puis en divisant celles-ci par deux.

 

 

Puis, il faut calculer les températures moyennes du site, sur la base du relevé des températures à l'aide du thermographe.

En comparant la température moyenne des stations et la température moyenne sur le site, on peut calculer la  différence moyenne/jour entre les stations et le site. Pour la forêt du "Manoir de Ban", la différence des températures moyennes est de moins 2.5 °C par rapport aux températures moyennes des stations.


 

 

 

 

Puis, il faut projeter les températures moyennes du site durant la période qui nous intéresse en déduisant 2.5  °C des températures moyennes  des  stations. (Voir feuilles de calculs et feuilles mensuelles).Annexe 4

 

Estimation du délai post-mortem

 

 

Etat de la faune cadavérique présente

 

L'identification des insectes prélevés sur les corps et sur les lieux a mis en évidence la présence de Diptères nécrophages suivants:

 

 

Calliphora vomitoria,(Linnaeus, 1758)

Calliphora vicina, Robineau-Desvoidy, 1830

Protophormia terranovae, (Robineau-Desvoidy, 1830)

Lucilia caesar, (Linnaeus, 1758)

Hydrotea leucostoma, (Wiedemann, 1817)

 

 

L'estimation des périodes de ponte pour les  espèces de  la  première escouade, Calliphora vomitoria, Calliphora vicina, Protophormia terranovae, Lucilia caesar, peut être calculée de la façon suivante:

 

 

Pour qu’une mouche nécrophage puisse se développer, de l’œuf à l’insecte parfait, il lui faut une somme de  températures, spécifique à l’espèce. Cette somme est calculée en additionnant les moyennes des  températures/jour,  moins  l’indice (également spécifique à l’espèce). Lorsque la somme est atteinte, elle  correspond au jour de ponte de l’espèce.  Annexe 5

 

Pour l'espèce Calliphora vomitoria

 

 

Pour cette espèce, un cumul de 472°C est nécessaire pour obtenir à partir de la ponte un adulte, en  retenant  un  seuil minimal  de  3°C,  en  dessous duquel le développement de l'insecte s'arrête. L'émergence des adultes étant intervenue

le 7 juin 2000, la valeur de 476°C se trouve atteinte le:

 

 

25 avril 2000

 

 

intervalle qui correspond à  la  période de  ponte  la  plus  tardive pour  l'espèce

Calliphora vomitoria.


 

 

 

 

Pour l'espèce Calliphora vicina

 

 

Pour cette espèce, un cumul de 388°C est nécessaire pour obtenir à partir de la ponte un adulte, en  retenant  un  seuil minimal  de  2°C,  en  dessous duquel le développement de l'insecte s'arrête. L'émergence des adultes étant intervenue

le 31 mai 2000, la valeur de 394.7°C se trouve atteinte le:

 

 

27 avril 2000

 

 

intervalle qui correspond à  la  période de  ponte  la  plus  tardive pour  l'espèce

Calliphora vicina.

 

 

Pour l'espèce Protophormia terranovae

 

 

Pour cette espèce, un cumul de 251°C est nécessaire pour obtenir à partir de la ponte un adulte, en retenant  un seuil minimal de 7.8°C, en dessous duquel le développement de l'insecte s'arrête. L'émergence des adultes étant intervenue

le 6 juin 2000, la valeur de 257.6°C se trouve atteinte le:

 

 

25 avril 2000

 

 

intervalle qui correspond à  la  période de  ponte  la  plus  tardive pour  l'espèce

Protophormia terranovae.

 

 

Pour l'espèce Lucilia caesar

 

 

Pour cette espèce, un cumul de 207°C est nécessaire pour obtenir à partir de la ponte un adulte, en  retenant  un  seuil minimal  de  9°C,  en  dessous duquel le développement de l'insecte s'arrête. L'émergence des adultes étant intervenue

le 6 juin 2000, la valeur de 204.15°C se trouve atteinte le:

25 avril 2000

 

 

intervalle qui correspond à la période de ponte la plus tardive pour l'espèce Lucilia caesar.


 

 

 

 

Discussion

 

La faune entomologique nécrophage prélevée révèle la ponte de quatre espèces de la 1ère escouade:

 

 

Calliphora vomitoria dès le              25 avril 2000

Calliphora vicina, dès le                  27 avril 2000

Protophormia terranovae dès le       25 avril 2000

Lucilia caesar dès le                         25 avril 2000

 

 

Les mouches nécrophages pondent leurs œufs d'abord dans les orifices naturels (yeux, nez, bouche, oreilles, parties génitales), en règle générale quelques heures après la mort de la personne ou de l'animal. Nous avons déjà constaté des œufs de Diptères nécrophages sur un corps humain décédé une heure avant sa découverte (com pers). Les mouches ne pondent généralement pas avant huit heure du matin, car elles ont besoin d'accumuler de la  chaleur pour être actives, mais j'en ai vu pondre jusqu'à 2200 les soirs doux du printemps ou de l'été.

 

 

Nos calculs démontrent que 3 espèces de mouches nécrophages ont pondu le même jour, soit le 25 avril 2000.

 

 

Dans ce cas, Calliphora vicina a pondu 2 jours après les 3 autres espèces. Cela s'explique par le fait que cette mouche, bien qu'ubiquiste, est moins abondante en forêt que les autres espèces.

 

 

D’une façon générale, les conditions climatiques ont été suffisantes à une activité entomologique.

 

 

Conclusion

 

Vendredi 26 mai 2000, les cadavres de P.T.,  02.12.76,  victime  probable  de meurtre, et de son mari, M. A., 25.12.77, suicide, sont découverts dans la forêt du “ Manoir de Ban ”, sur la commune de Corsier.

 

 

Des prélèvements entomologiques sont effectués sur les lieux les 26.05.2000 et

27.05.2000, ainsi qu'à l’IUML le 27.05.2000. Le matériel recueilli correspond à une faune nécrophage cohérente pour le lieu de la découverte, l'état de putréfaction des cadavres et les conditions climatiques.


 

 

 

 

L'identification et l'étude biologique des espèces ont permis de cerner l'arrivée des insectes de la première escouade dès le 25 avril 2000. L'enquête a démontré que le couple M.-P. a été vu pour la dernière fois à Vevey le 25 avril vers 1100 quittant l'école club Migros.

 

 

Les mouches nécrophages arrivant s les premières heures qui suivent la mort et en tenant compte de la  marge d'erreur citée par Marchenko, les  décès de  ces personnes peuvent dater du 25 ou 26 avril 2000, mais très probablement du

 

 

mardi 25 avril 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Claude Wyss, insp

 

 

Annexes :   Annexe 1- Description du site de découverte Annexe 2- Biologie des insectes identifiés Annexe 3- Niveaux thermiques

Annexe 4- Feuilles de calculs et relevés météo mensuels

Annexe 5- Référence sur les méthodes de calculs


 

 

Annexe1

 

 

Milieux naturels de Suisse

 

 

« Le Manoir de Ban » à Corsier correspond à une :

 

 

Hêtraie mésophile de basse altitude ou Galio-Fagenion, (code 6.2.3)

 

 

Cette unité constitue le noyau central des hêtraies de basse altitude, celle règnent les conditions les plus tamponnées (ni trop sec, ni trop humide; ni trop calcaire, ni trop acide).

 

 

Il s'agit en général d'une futaie où le hêtre est accompagné d'essences variées: chêne, charme, érable, frêne,  merisier, résineux. Ces compagnes sont nettement minoritaires dans des conditions naturelles, mais peuvent  augmenter dans les stations influencées par l'homme.

 

 

Le sous-bois est formé d'arbustes disséminés et d'une strate herbacée très variable: dense dans les associations  basophiles (notamment dans les faciès humides à Allium ursinum), mais beaucoup plus lâche dans les associations acidophiles.

 

 

Cette formation ne s'élève guère au-dessus de 800 mètres. Le sol est un sol brun plus ou moins évolué.

 

 

Cette forêt à bonne productivité est souvent enrésinée. Elle est en général traitée en futaie, parfois en taillis sous futaie. Le hêtre y atteint exceptionnellement 40 m de hauteur.

 

 

L’unité est difficile à caractériser, grâce à sa position intermédiaire entre les autres types de hêtraies : de nombreuses plantes y ont leur optimum, mais aucune ne lui est strictement liée.

 

 

Homogène d’un point de vue climatique (étage submontagnard) le Galio-Fagenion

couvre une gamme assez étendue de substrats. Il se distingue des autres forêts par la combinaison de caractères suivants :

 

 

1) dominance du hêtre

2)  absence des montagnardes

3)  absence de xérophiles


 

 

4)  rareté des acidophiles strictes

5)  présence de mésophiles (en cas d’accumulation de litières, celles-ci peuvent manquer ; il faut alors procéder à l’examen du sol pour exclure le Luzulo- Fagenion).

 

 

Selon Delarze R., Gonseth Y. et Galland P., Guide des Milieux Naturels de Suisse, Delachaux Niestlé, 1998


 

 

 
  Aujourd'hui sont déjà 4 visiteurs (6 hits) Ici!  
 
Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement